2016-2020

Comment ça a commencé ?

En 2015, nous avons vu arriver au Jura des visages nouveaux, venus de loin. Ils ont traversé la mer, ou des barbelés, la faim, le froid, la chaleur torride, pour fuir la guerre, la prison, les persécutions. Tout près de chez nous habitaient de jeunes mineurs non-accompagnés ; à Delémont des centres hébergeaient des familles, des adultes. Que de tristesses.

A l’été 2016, j’ai eu besoin de reprendre des forces afin de mieux accompagner ces destinées brisées. Durant une semaine de silence et de jeûne à Sénanque, le ressourcement était bienvenu.

Le jour avant le départ, je décide de recommencer de manger, pour assumer le voyage. A la salle à manger, mines sombres des hôtes, prière pour ‘les familles de Nice ‘. Doucement, je demande à mon voisin de table ce qui se passe. Son étonnement est frappant : ‘Mais où étiez-vous ? Vous ne savez pas ? Un homme a foncé sur la population, à Nice, avec un camion poids lourd. Il y a beaucoup de morts, des enfants, des familles. Beaucoup de blessés. C’est terrible. L’attentat a été revendiqué par Daech. Ah ces étrangers ! Ah ces musulmans ! ‘Indignation, douleur, compassion pour toutes ces familles dans la souffrance. Mais quel amalgame. Tous les musulmans seraient-ils donc assimilés à ce crime ?

Que faire ? Nuit de prière. Au matin, la réponse est là ; il faut se réunir et montrer notre recherche de paix, commune à tous les humains de bonne volonté, d’où qu’ils viennent. Sans théories. Juste en silence.

De retour à Delémont, je perçois la méfiance, qui retombe sur ‘tous ces étrangers, tous ces migrants, qui n’ont rien à faire chez nous ‘. Nos amis allaient-ils devoir affronter la stigmatisation, en plus de leurs douleurs d’incertitude ?

Aïe. Il faut commencer, très vite. Le dimanche suivant, la police nous ayant donné l’autorisation, nous sommes sur la place de la gare, pour la première fois, en silence pour la paix. Nous sommes rejoints par nos amis demandeurs d’asile, et par les Jurassiens qui comprennent l’enjeu.

Depuis cette fin de juillet 2016, nous avons été chaque dimanche soir 10 minutes en silence pour la paix dans le monde. Ni la neige, ni le froid, ni la chaleur torride ne nous en ont empêchés.

Nous sommes de Suisse, de Syrie, du Tibet, d’Erythrée, d’Iraq, du Cameroun, d’Afghanistan, du Sri Lanka, de Turquie, du Togo, d’Ethiopie, de l’Inde, de la Guinée, du Maroc…

Il y a des non-croyants, des chrétiens, des bouddhistes, des musulmans, sunnites, chiites, des hindouistes, des orthodoxes … ensemble.

Il n’y a que durant les mois de mars et avril 2020, où le semi-confinement nous demandait la sagesse de ne pas nous retrouver. Alors nous avons allumé une bougie, chacun chez soi, à l’heure dite. Et comme tout le monde, nous avons eu un immense plaisir de nous revoir une fois les mesures levées !

maman Claire, 2020