Vie monastique

Comme beaucoup de mes contemporains, je vivais « une forte spiritualité, au-delà de toute religion », mais une question demeurait : comment se forme la communauté ?

L’été 2000 marque un tournant dans ma vie. Besoin de silence, de calme. De prière ? Mais qu’est-ce que la prière ? Souhaitant passer une semaine dans un endroit où le matérialisme compte peu, je me retrouve en Provence, à Sénanque.

Pour une baptisée réformée comme moi, découvrir la vie monastique dans une abbaye « Notre Dame » était marquant. Chers frères cisterciens, si fidèles ! Au-delà des clivages confessionnels, l’amitié est née.

Merci aux frères, aux sœurs en Christ, de toutes les communautés amies visitées depuis lors !

Je portais le souhait d’une vie commune, mais mon service est au Cantou. Dès 2006, je fermais la porte de l’oratoire, dans le secret de la prière, rythmée matin, midi et soir, sans savoir où cela me conduirait.

J’y ai vu jaillir les forces permettant d’accueillir dans la maison les personnes aimées les plus diverses, en apprentissage de résilience. Dans un fonctionnement hors du système d’entreprise. Découverte d’une autre manière d’agir : recevoir et donner. Partager.

On ne partage pas parce qu’il y a. Il y a parce qu’on partage.

Alors après des années de labeur et d’émerveillements avec les accueillis au Cantou, le besoin est venu pour moi de dire merci, la gratitude appelant le témoignage.

Mais quel était l’engagement juste ?

Il n’existait pas de modèle, dans l’Unité, pour être moniale dans la ville. Fallait-il l’inventer ?

Echanges, visites, recherches, riches partages ont abouti, le 18 avril 2015, à mon engagement de vie, à Delémont, entourée de tant d’amis. Quelle grâce.

Depuis, je vis avec les vœux monastiques dans la simplicité, sous le toit, en pleine ville. L’ouverture vient d’un émerveillement, quotidien. Je ne suis pas meilleure que les autres, justement. J’ai besoin de retourner à la source, souvent. Là où je retrouve la boussole.

C’est si simple, si évident, de se laisser prendre par le monde, ou par ses propres souhaits, ou par son propre orgueil, qui n’est jamais bien loin. Ou par les pièges de la vie, si bien déguisés.

Arrêter le cours du monde dans ma vie, trois fois par jour, c’est percevoir un Amour immense qui me guide. Bonheur de se savoir accompagnée dans les décisions. Il ‘suffit’ de s’arrêter, de demander. D’écouter. Oui, cela demande de la discipline. C’est ce que je comprends comme obéissance. Garder le rythme pour revenir à la Parole, avec persévérance, fidélité.

Ne plus fermer ses bras sur une personne, pour les ouvrir à l’Autre, ce que je comprends comme chasteté, est un mystère de renoncement qui se vit aussi au quotidien. Qui ouvre la porte à un autre don de soi, dans la direction des autres.

Est-ce possible de vivre avec peu de puissance, peu de moyens ? Dans la sobriété des besoins ? Dans une pauvreté choisie ? Apprentissage de chaque jour, de se déposséder des propriétés diverses et variées, souvent autant intérieures que visibles ! Mon vécu me montre combien le renoncement ouvre des espaces insoupçonnés.

Alors…la communauté ?

J’ai mis des années à consentir à vivre comme en ermitage, au cœur de la ville.

Avec le temps, je découvre une communauté élargie, vaste comme les amis d’ici dans le besoin, ou venant du monde entier. Proximité avec les paroisses, les amis priants…

Approfondir la Parole, cheminer sur les traces du Christ, permet aussi de découvrir la richesse de tous ces vécus intérieurs venus d’ailleurs. Pas de prosélytisme, mais vivre en toute simplicité l’amitié de Christ pour chaque être humain.

Attendre la semence du jour, cachée dans la Parole. Préparer la terre de son cœur, pour la recevoir. Laisser germer, en silence, en patience. Contempler…et un jour jaillit la louange, comme un fruit qui nous donne l’élan vers le service, et le partage qui permet de s’émerveiller devant la richesse que chacun porte en soi, qu’il vienne de près ou de loin.

Tout se tient, s’élabore, se cultive, dans la même Lumière…

prières journalières, prières communes mensuelles, cercle pour la paix, Cantou, Terre d’accueil.

petite sœur Claire, 2020